Chapitre 7

L’Amsera Certh

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Après le dîner, James monta dans la tour Gryffondor avec Ralph et Rose. En chemin, il leur raconta sa conversation avec Tabitha et l’affirmation troublante de la sorcière concernant le potentiel d’Albus. Aucun des deux autres n’en parut très impressionné.

— Elle parle toujours comme ça, dit Ralph d’un ton distrait. Même à Serpentard, les autres la traitent de Miss Tragédie.

— Vraiment ? insista James, un sourcil en l’air. Tu veux dire, pas seulement toi et Trenton ?

Rose passait déjà sous le portrait de la Grosse Dame.

— En tous cas, ils ont tous l’air de bien aimer Albus, remarqua-t-elle. Peut-être que c’est vrai. Peut-être qu’Albus est promis à un grand destin. De toute évidence, ce genre de choses est génétique dans votre famille, comme les cheveux noirs et le talent au Quidditch.

— Ce n’est pas drôle ! dit James, mais il ne put retenir son sourire.

— Un de ces soirs, suggéra Ralph, vous devriez descendre avec moi dans la salle commune de Serpentard. Vous verriez vous-même à quel point Albus s’est bien adapté, avec tout le monde. Franchement, il est comme un poisson dans l’eau. Ça vous rassurerait.

Tous trois traversèrent la foule d’élèves qui parlaient et s’activaient, et rejoignirent Noah, Sabrina et Damien, installés dans deux canapés d’angle, au fond de la pièce.

— Nous parlions justement de toi, James, dit Noah.

Quand il indiqua d’un geste la place libre à côté de lui, James s’y jeta, heureux de se retrouver parmi des amis. Avec un sourire, Sabrina se tapota le bout du nez.

— J’ai eu une idée, dit-elle, d’un ton docte.

— Tu veux encore bricoler le vitrail d’Héraclès ? demanda Ralph, amusé. Ça a fait un tabac, tu sais, même chez les Serpentard. Rusard n’a pas encore réussi à tout effacer. Chaque nuit, le visage d’Héraclès redevient celui de Malefoy.

Damien agita la main.

— Tout est dans le poignet, annonça-t-il fièrement.

— Non, cette fois c’est encore mieux, répondit Noah. (Il se pencha en avant vers les autres, et baissa la voix.) C’est à cause de cet épouvantable Soufflet que plus personne ne peut supporter. D’accord, sur le principe, je comprends l’intérêt de l’entraînement physique. Après tout, il a raison sur un point : la Défense contre les Forces du Mal implique souvent de se battre. Mais son histoire d’interdire les sortilèges pendant quatre ans est complètement grotesque. Alors, on a réfléchi…

Sabrina envoya une bourrade amicale sur l’épaule de James.

— J’ai repris une ancienne idée !

James regarda les trois Gremlins agglutinés autour de lui.

— Je n’ai pas tout compris, admit-il.

— C’était au temps de ton père, répondit Damien, en secouant la tête, sous le règne d’Ombrage la Terrible. Ne me dis pas que nous devons t’expliquer les exploits extrascolaires d’Harry Potter ?

— En fait, ça ne m’étonnerait pas, répondit James, avec un sourire moqueur. De toute évidence, je n’ai pas assez étudié les bons bouquins.

En le regardant, Rose fit un bruit dédaigneux.

— Ombrage était leur professeur de D.F.M., expliqua-t-elle. Et elle refusait de leur apprendre les techniques de défense habituelle, parce qu’elle travaillait avec le ministre, à l’époque où le ministère essayait d’étouffer la moindre rumeur au sujet du retour de Celui-qu’on-ne-devait-pas-nommer. (Elle prononça cette périphrase avec un sarcasme accentué.)

— Je m’en souviens, admit finalement James. Mais qu’est-ce que ça a à voir avec Soufflet ?

— Ça y ressemble beaucoup, coupa Sabrina. Aussi, tu dois résoudre le problème en cours de la même façon que ton père.

— Oh non non non, dit James, dans une violente dénégation. Pas question ! Je ne veux pas créer une autre « Armée de Dumbledore ». L’autre nuit justement, j’ai affirmé à Cameron Creevey que je n’étais pas mon père. Je ne veux surtout pas voir les gens s’imaginer que je cherche à répéter ses anciennes aventures.

Noah lui jeta un bras autour des épaules.

— N’ai pas peur, dit-il. Personne ne le pensera. D’ailleurs, nous ne prendrons pas le même nom.

— Bien entendu, approuva Damien. C’est trop old school. Et si nous appelions notre club « l’Armée de Merlin » ?

Sabrina secoua la tête.

— Non, ça manque d’imagination. Pourquoi pas « D.F.M., le vrai de vrai » ?

— C’est trop long, rétorqua Damien, et on dirait une pub.

— Écoutez, coupa Noah, le nom, on s’en fiche, mais nous avons absolument besoin de connaître ces sortilèges. Si on ne les apprend pas tout jeune, on n’y réussit jamais vraiment – parce qu’il est trop tard, et qu’on n’a pas eu le temps de s’entraîner. Tu dois t’en occuper personnellement, James.

— Pourquoi moi ? s’exclama James, outré. Je ne peux pas vous apprendre ces sortilèges. Je ne les connais même pas !

— D’accord, répondit Noah avec un haussement d’épaules, alors trouve quelqu’un pour te les apprendre.

— Et pourquoi un de vous trois ne se chargerait pas de les enseigner aux autres ? rétorqua James.

— Pas question, dit Damien calmement. Aussi géniaux que nous soyons, nous n’avons pas l’instinct pédagogique. Tu as déjà entendu parler de la mémoire musculaire, James ? Ça veut dire que si ma main sait jeter un sortilège Expelliarmus, mon cerveau n’en garde pas l’empreinte. Ça serait comme vouloir apprendre à quelqu’un à marcher. Pour nous, à présent, c’est acquis, naturel. Il faut un véritable professeur – quelqu’un comme ton père, au temps de « l’Armée de Dumbledore ».

James se tourna vers Ralph et Rose.

— Vous pourriez me défendre, tous les deux ! Et leur expliquer que cette idée est idiote, et complètement irresponsable.

— Pas du tout, répondit Rose, d’un air songeur. Je pense que c’est plutôt logique. Tu sais, on n’apprend vraiment rien d’utile dans la classe de Soufflet. Surtout les filles !

— Franchement, ajouta Ralph, j’aurais besoin de toute l’aide possible avec la magie défensive. C’est une matière que je ne maitrise pas du tout.

— Ça se discute, grogna James, peu convaincu. Mais quand même, cette idée pourrait nous apporter pas mal d’ennuis.

— Je ne vois pas pourquoi, souligna Rose. Il y a de nombreux clubs à Poudlard, et de nombreuses activités extrascolaires. Ce n’est pas du tout comme au temps de nos parents, où Ombrage avait formellement interdit à quiconque de pratiquer des sortilèges de défense. Nous formerions un club tout à fait officiel. Nous devons simplement en demander la permission au directeur. Et c’est toi qui t’en chargeras, James. Après tout, tu as rendu récemment service à Merlin.

James étudia sa cousine un moment. Elle haussa les épaules.

— Il nous reste quand même un problème à régler, remarqua Ralph. Qui sera notre instructeur ?

— Il nous faut quelqu’un avec de bonnes bases théoriques et pratiques, aussi bien en sortilèges qu’en défense, dit Sabrina. Quelqu’un avec du caractère, capable de diriger un groupe et d’enseigner. En fait, ce serait bien aussi qu’il ait de l’expérience dans la vie réelle.

Tout à coup, James eut une idée. Les yeux écarquillés, il s’enfonça légèrement dans son fauteuil.

— Quoi ? demanda Rose, les sourcils froncés.

— Je viens de penser au professeur idéal, marmonna James, songeur.

— Et alors ? s’étonna Ralph. Pourquoi tu fais cette tête-là ?

— Parce que, répondit James avec une grimace moqueuse, je ne pense pas que vous approuverez mon idée.

Rose étrécit les yeux. Au bout d’un moment, elle hocha la tête avec un sourire de connivence.

— C’est qui ? demanda Noah.

— Je ne peux pas encore le dire, répondit James. Mais je vais lui parler. S’il accepte, je vous expliquerai.

Manifestement, les Gremlins n’étaient pas ravis de ces cachotteries, mais ils se contentèrent de savoir leur idée acceptée. Au bout d’un moment, le groupe se sépara, et James resta seul sur le canapé, avec Ralph et sa cousine.

— Tu crois vraiment que Cédric accepterait d’être notre professeur ? demanda Rose avec entrain, mais à voix basse.

Ralph se frappa le front de la main.

— Oh ! J’aurais dû deviner que vous parliez de lui !

— Nous pouvons en tout cas lui poser la question, répondit James. Il a la réputation d’avoir été un meneur. Il était suffisamment bon pour avoir été choisi au Tournoi des Trois Sorciers ; et il a réussi toutes les épreuves. Donc, il a de l’expérience.

— Et dans sa perspective, tout est encore récent, commenta Rose.

— Mais comment allons-nous le retrouver ? demanda Ralph. L’année passée, il n’apparaissait que quand ça lui chantait. Nous ne savons toujours pas où il préfère jouer au Spectre du Silence.

James le regarda, en réfléchissant.

— En fait, j’ai peut-être une idée à ce sujet.

— Tu devrais d’abord poser la question au directeur, dit Rose. Pas la peine d’embêter Cédric avec cette histoire avant d’être certain que nous obtiendrons l’autorisation de Merlin. Si tu veux, nous irons le voir tous ensemble, demain, après le déjeuner. Ça nous donne le temps de réfléchir à la meilleure façon de présenter notre affaire.

— D’accord, dit James. Ça me paraît faisable.

— Tu ne crois pas que c’est une bonne idée ? insista Rose, la tête penchée.

— Si, j’imagine, admit James. Mais je déteste vraiment qu’on s’imagine des choses à mon sujet. Je ne cherche pas à ressembler à mon père ! Comme je l’ai dit l’autre jour à Cameron, ce n’est pas moi qui ai une cicatrice en éclair sur le front !

Rose étudiait James avec attention.

— Alors, pourquoi tu n’arrêtes pas de te frotter le front ?

James laissa tomber sa main, en réalisant que c’était vrai : il ne cessait de se toucher le front.

— Qu’est-ce que tu racontes ?

— Depuis quelques jours, dit Rose, tu n’arrêtes pas de te frotter le front. On dirait cette publicité pour les cachets anti-migraine.

— C’est vrai, rajouta à Ralph, en hochant vigoureusement la tête. Peut-être devrais-tu davantage porter des lunettes ? Peut-être que c’est ta vue qui te donne mal au crâne ?

James se sentait plutôt contrarié.

— Non ! s’écria-t-il un peu trop fort. Ça n’a rien à voir avec ma vue ! Je ne sais pas ce que j’ai. Ça me gratte, c’est tout.

— Et ça te gratte toute la journée ? s’étonna Ralph, en clignant des yeux.

— Non, ce n’est pas régulier, protesta James. (Puis il étudia les deux autres, soudain inquiet.) Si ?

Rose avait le front plissé, et l’air soucieux.

— James, tu devrais peut-être aller voir Mrs Gaze à l’infirmerie.

— Sûrement pas ! affirma James avec un petit rire. Je n’ai absolument rien. D’ailleurs, je ne l’avais même pas remarqué. C’est juste un truc qui me gratte.

— Tu réfléchis peut-être trop, dit Rose d’un ton docte. Personne ne s’attend à ce que tu sois comme ton père. Ce n’est pas la peine d’en faire une obsession.

En la regardant, James espéra qu’elle avait raison. Un peu plus tard, après avoir souhaité bonne nuit aux deux autres, il remonta les escaliers et s’interrogea à nouveau sur cette démangeaison qu’il avait au front. Il n’y avait pas trop pensé jusqu’à maintenant, mais il devait s’avouer que c’était plutôt bizarre… d’avoir une sensation désagréable à l’endroit exact où son père avait sa célèbre cicatrice. Il n’était pas question d’aller voir Mrs Gaze, à l’infirmerie. Déjà, il y avait Cameron Creevey qui regardait James comme s’il s’attendait à voir des pétards lui sortir du derrière. Ensuite, il y avait Malefoy qui accusait James d’avoir des illusions de grandeur. James n’avait vraiment pas envie qu’une rumeur naisse dans l’école, au sujet d’une cicatrice imaginaire sur son front. Surtout, s’il devait ouvrir un club qui rappellerait bien trop l’ancienne « Armée de Dumbledore » de son père !

Tandis que James se préparait à se coucher, il réalisa que sa conversation avec Tabitha Corsica l’avait pas mal secoué. S’il n’était pas arrivé dans la salle commune aussi remonté contre elle, il n’aurait sans doute pas accepté cette idée de créer un club de D.F.M. Mais après la façon dont la sorcière lui avait parlé, James s’était senti à la fois mesquin et ridicule. Et l’idée de démarrer ce club lui avait donné une certaine importance. Sauf que… était-ce une raison suffisante pour aller jusqu’au bout ? Il espérait sincèrement que l’idée était bonne, mais sans se sentir trop concerné. Il restait deux problèmes majeurs à résoudre avant que le club puisse ouvrir : d’abord, obtenir l’approbation de Merlin ; ensuite, trouver Cédric, et le convaincre de devenir leur professeur. Si l’un ou l’autre refusait, le club ne pourrait démarrer. D’après James, leurs chances étaient plutôt bonnes. Et ce fut en y réfléchissant toujours qu’il ferma les yeux et s’endormit.

 

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Samedi, après le déjeuner, James, Rose, et Ralph sortirent se promener dans les jardins de l’école, où ils furent accueillis par un après-midi gris et humide. C’était un de ces jours étranges de début d’automne, quand le temps est encore assez bon pour ne pas porter de veste, mais qu’on a pourtant froid à cause du vent. Enfouie dans un épais sweet-shirt, Rose regarda James et Ralph faire des ricochets au bord du lac.

Ralph jeta un caillou qui dévia de côté, et grogna de dépit.

— À mon avis, dit-il, nous devrions simplement lui poser la question. Comme tu l’as dit l’autre soir, Rose, Merlin n’a aucune raison de refuser.

— C’est ce que je pensais alors, répondit Rose, morose, mais plus maintenant.

James lui jeta un coup d’œil.

— Qu’est-ce qui a changé depuis l’autre soir ?

— Je me suis couchée tard la nuit dernière, répondit-elle. J’ai lu. Comme je vous l’ai expliqué à la bibliothèque, je veux prendre un peu d’avance avec les livres de Littérature Magique qu’on nous demande de connaître cette année.

— Ben dis donc ! remarqua Ralph. Tu n’as pas perdu de temps.

— J’aime lire, rétorqua-t-elle. Et notre nouveau directeur – ce qui n’a rien de surprenant ! – apparaît de temps à autre dans certains de ces livres. Aussi, je me suis dit que ce serait intéressant d’en connaître un peu plus sur son histoire avant d’aller lui parler.

Ralph cessa de jeter des cailloux et leva les yeux vers le ciel, les paupières plissées.

— C’est vraiment étrange ! remarqua-t-il. J’étais là quand c’est arrivé, et pourtant je n’arrête pas d’oublier que notre nouveau directeur est le fameux Merlin – celui des légendes et des anciens mythes. Mon cerveau a du mal à accepter ce genre de choses. Pas vous ?

— Pour beaucoup de sorciers, le fait que Merlinus Ambrosius soit maintenant le directeur de Poudlard reste dur à avaler, je t’assure, dit Rose avec conviction. Et après mes lectures de l’autre nuit, je comprends mieux pourquoi. Il y a beaucoup d’histoires au sujet de Merlin dans les anciens livres de la royauté. Évidemment, il est presque impossible de discerner la vérité des exagérations, mais même si le pourcentage véridique est minime, ça reste inquiétant.

James se baissa pour ramasser une pierre plus grosse sur la rive du lac.

— Comment ça ? demanda-t-il en se redressant.

— Eh bien, les rois, aussi bien moldus que sorciers, engageaient Merlin pour jeter des malédictions sur les armées ennemies. Et il ne s’agissait pas forcément d’ennemis dangereux, juste des étrangers que les rois n’appréciaient pas, qu’ils comptaient dépouiller ou annexer. En plus, quand Merlin était payé pour maudire une armée, il était fréquent que cette même armée le paye plus encore pour se retourner contre le premier roi, celui qui avait réclamé ses services. Et Merlin acceptait.

À deux mains, Ralph souleva un presque rocher. Il essaya de le jeter, mais réussit essentiellement à éclabousser les chaussures de James et les siennes.

— Si tu veux mon avis, dit-il ensuite, c’est comme ça que fonctionne le commerce. Une question d’offre et de demande.

— Ce n’est pas drôle, Ralph ! répliqua Rose d’un ton sévère. Merlin était un mercenaire magique, un homme sans le moindre sens de l’honneur. Certaines des armées qu’il avait maudites ont été… massacrées, complètement détruites, avant même de combattre. Il n’y a eu des raz-de-marée, des cyclones, et même des tremblements de terre, qui se produisaient juste sous leurs campements. Ils ont tout simplement disparu.

— Ça n’est pas possible, remarqua James. Merlin est puissant, d’accord, mais pas à ce point-là. Personne ne peut provoquer un tremblement de terre !

— Tu oublies que Merlin est davantage un enchanteur des temps anciens qu’un sorcier de notre époque, répondit Rose très vite, comme si elle attendait cet argument. D’après toutes les légendes, Merlin tire son pouvoir de la nature. Nous avons bien vu ce qu’il pouvait faire, l’après-midi où il nous a emmenés récupérer ses affaires, non ? La nature est puissante, et c’était encore plus vrai au Moyen Âge, quand la civilisation était moins répandue qu’aujourd’hui. Qui sait ce que Merlin était capable de réaliser alors ?

Ralph s’essuya les mains sur son jean.

— Je ne suis pas certain que « plus vrai » soit grammaticalement correct.

— Ne commence pas à me chipoter là-dessus, marmonna Rose. (Son regard passait de l’un à l’autre des deux garçons.) Pourquoi aucun de vous deux ne prend cette histoire au sérieux ?

— Parce que, Rose, répondit Ralph, comme je te l’ai déjà dit, nous étions là, la nuit où il est revenu. Nous l’avons vu apparaître du néant, revenir des anciens temps. Et dans les jours qui ont suivi, nous avons travaillé avec lui. Il nous a aidés à renvoyer ce journaliste moldu qui a failli révéler tout le monde magique. Merlin a été vraiment génial ce jour-là. Il était peut-être sauvage et mercenaire dans le passé, mais aujourd’hui, il est différent. Il essaye de bien faire, et à mon avis, il y réussit.

— Le problème n’est pas seulement son ancien côté « sauvage et mercenaire », dit Rose.

James se laissa tomber sur l’herbe, pour s’asseoir à côté de sa cousine.

— Quoi ? se moqua-t-il. Qu’a-t-il fait de plus grave ? Il a mis du ketchup dans ses œufs ? Il a dessiné des moustaches sur les portraits du château ?

Rose l’examina brièvement, puis elle détourna le regard.

— D’après certaines légendes, dit-elle, Merlin va déclencher une horrible malédiction. Son retour est le prélude de la fin du monde.

En entendant ces mots, James ressentit un éclair d’inquiétude, mais il s’efforça de garder une voix calme.

— J’imagine que c’est là que tu trouves difficile de séparer les faits historiques des légendes fantastiques, pas vrai ?

— Tu peux rire si tu veux, rétorqua Rose, mais j’ai vu cette prophétie apparaître dans des textes très différents. Certains l’appellent Merlin « le héraut de la fin du monde ». D’autres simplement « l’émissaire »…

— De quoi ? coupa Ralph.

— Je n’en sais rien, admit-elle. Personne n’en parle. Franchement, ça fiche la trouille. (Elle frissonna.) Surtout quand tu lis ça au milieu de la nuit.

— Pour le moment, constata Ralph avec un haussement d’épaules, Merlin est pour moi celui qui a rajouté dix points à Gryffondor et à Serpentard parce que nous l’avons aidé l’autre jour à ramener sa boîte magique. Allez, il est presque 14:00. Il va nous attendre.

Rose se releva aussitôt.

— Tu viens, James ? demanda-t-elle.

James leva les yeux pour la regarder.

— Quoi ? Oh. Oui, bien sûr.

L’après-midi était toujours aussi brumeux quand ils arrivèrent tous les trois dans la cour. Derrière les montagnes, le tonnerre grondait comme une menace à venir ; le vent avait forci. James, plutôt nerveux, ne cessait d’évoquer le squelette de la caverne, Farrigan – cet ancien contemporain de Merlin. Il pensait aussi à la lettre de sa cousine Lucy, au sujet du Gardien des Portes. À la lumière de ce qu’il savait déjà, les histoires de Rose concernant la malédiction légendaire de Merlin sonnaient juste, et c’était effrayant. James n’arrivait pas à se souvenir des paroles exactes du squelette, mais il avait parlé d’une porte ouverte… et de choses qui s’y étaient engouffrées en même temps que Merlin. Déjà, Merlin avait admis que les borleys étaient revenus avec lui. Il prétendait aussi les avoir tous rattrapés, sauf le dernier, celui qui avait suivi James cette nuit-là, dans la Caverne du Secret. Merlin disait avoir enfermé les Ombres dans son sac mystérieux, la Poche Noire. Mais le squelette n’avait pas parlé que des borleys : il y avait quelque chose d’autre… bien pire. Et comme les légendes des livres de Rose l’indiquaient aussi, Farrigan avait appelé Merlin : « l’Émissaire ». D’après lui, Merlin serait accompagné d’une créature affreuse qu’il avait nommée : la Sentinelle de l’Entre-deux-mondes, le Gardien des Portes, le Destructeur. La lettre de Lucy avait déjà confirmé ces dires, et maintenant, voilà que les livres d’Histoire de Rose affirmaient aussi la même chose…

En entrant dans le château, derrière Rose et Ralph, James fut secoué d’un long frisson.

Tous trois suivirent un long dédale de couloirs, pratiquement vides durant le week-end. Puis ils passèrent devant les salles de classe, désertes et sombres, et prirent des marches. Ils arrivèrent finalement devant la gargouille qui gardait l’entrée du dernier escalier en spirale montant au bureau du directeur.

— Rose, tu te souviens du mot de passe ? demanda Ralph. Je n’arrive même pas à le prononcer, et tu sais qu’il est impossible de marquer par écrit ces choses-là.

Rose plissa le front, en réfléchissant. Ensuite, elle prononça distinctement et lentement :

— In ois oisou.

La gargouille se déplaça avec le bruit grinçant d’une roue à aube dans un vieux moulin. En s’écartant, elle révéla une porte. James commença à monter l’escalier avant de demander à sa cousine :

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Je ne sais pas, répondit Rose en secouant la tête. À mon avis, c’est de l’ancien gallois, mais qui peut savoir ce que ça signifie ?

Ils arrivèrent tous les trois dans le couloir qui menait au bureau du directeur. Une fois devant la porte, James leva la main pour activer le heurtoir mais Rose le retint par le bras.

— Attends ! dit-elle. Rappelle-toi ce qu’il nous a dit ce matin. Il veut qu’on attende devant la porte. Il a un autre rendez-vous avant nous.

James s’en souvint. Sans bruit, il reposa soigneusement le heurtoir, et tous trois s’installèrent sur un banc installé dans le couloir, face au bureau du directeur. Sur le mur, près de la porte, au milieu d’une rangée d’anciens tableaux et portraits, James reconnut tout à coup un visage. Il envoya un coup de coude à Ralph, et pointa le tableau du doigt.

— Regarde ! dit-il. Je me souviens de lui. Le vieux Granit l’avait descendu l’an passé dans sa classe de Technomancie, pour un cours sur les portraits magiques. Il y avait Zane avec moi.

Il s’agissait du portrait de Cornelius Pissenlit, un ancien économe de Poudlard. Le vieux sorcier regarda James par-dessus ses lunettes.

— Moi aussi je me souviens de vous, jeune homme, dit-il. Vous aviez posé de très nombreuses questions au sujet de la peinture magique. J’espère que vous avez été satisfait des réponses obtenues.

— Oui, répondit James. J’ai particulièrement apprécié le fait que seul l’artiste originel peut détruire un portrait magique. C’était franchement horrible quand Granit a fait fondre le tableau de cet horrible clown.

En se souvenant de la scène, Pissenlit eut un reniflement de dédain.

— Votre professeur Jackson a oublié un petit détail, remarqua-t-il. Une autre personne est capable de détruire un portrait, vous savez, bien que ce ne soit jamais arrivé.

— C’est plutôt important comme détail, dit James l’air sceptique. Comment le professeur Jackson aurait-il pu l’omettre ? Monsieur, je ne veux pas vous vexer, mais sur le sujet, j’ai plus confiance en lui que…

James fut soudain interrompu par deux événements simultanés. La porte du bureau du directeur se déverrouilla et s’ouvrit brutalement, et une douleur violente lui traversa en même temps le front. Surpris, James pressa sa main sur sa tête, et ferma les yeux, avec un cri étouffé.

— James ? s’enquit Rose, d’un air inquiet.

Aussi rapidement qu’elle était venue, la douleur disparut. James garda la main sur la tête, mais il se risqua à ouvrir les yeux. Immédiatement, son regard fut attiré par l’intérieur de la pièce en face de lui. Merlin était debout derrière son bureau, le visage grave, les yeux étincelants. À travers la distance qui les séparait, le directeur dévisageait James, mais sans paraître inquiet ou alarmé. Au contraire, il était plutôt intense, attentif, et peut-être même fatigué.

— Tu vas bien, James ? demanda une autre voix.

James baissa le bras, regarda autour de lui, et vit Petra Morganstern dans le couloir. Manifestement, elle venait de sortir du bureau du directeur. Elle paraissait bouleversée : ses yeux étaient rouges, comme si elle avait pleuré.

— Oui, ça va, répondit James. Je… je devrais juste porter mes lunettes plus souvent.

Il jeta un coup d’œil menaçant à Rose et Ralph, leur interdisant de faire la moindre réflexion.

Petra détourna la tête.

— Oh, dit-elle. D’accord. Euh… à plus tard. J’ai… j’ai des choses à faire.

James la regarda s’éloigner, se demandant une fois de plus pourquoi elle semblait si mélancolique ces derniers jours. Qu’est-ce que Merlin avait bien pu lui dire pour la troubler ainsi ? James se leva, et regarda à nouveau dans le bureau du directeur. Merlin ne le fixait plus de son regard dur et attentif. Il s’était détourné, et étudiait un appareillage compliqué, en cuivre, qu’il tenait à la main.

— Entrez, entrez, mes jeunes amis, dit-il sans les regarder.

Tandis qu’ils pénétraient tous les trois dans le bureau, James ne put s’empêcher de regarder autour de lui avec admiration. À part les anciens portraits des précédents directeurs et le grand bureau lui-même, la pièce était complètement différente. On n’aurait jamais dit que c’était là que McGonagall les avait reçus l’année précédente. Il y avait un énorme crocodile empaillé qui pendait du plafond, comme ceux qu’on voit dans les Museum d’Histoire Naturelle ; des étagères étaient installées partout, remplies de livres épais et reliés de cuir ; il y avait aussi des instruments mystérieux et des équipements abscons, tous aussi grands qu’une armoire, qui paraissaient d’une complexité à secouer les méninges. Derrière le bureau de Merlin, contre le mur, il y avait une vitrine avec un épais sac noir accroché à un piton d’argent. James reconnut la Poche Noire. Au centre de la pièce, se trouvait un long miroir horizontal, avec un cadre d’or rectangulaire. Sa glace argentée reflétait en partie la pièce. Au-delà, il y avait à l’intérieur une sorte de brume qui tournoyait sur place. C’était magnifique et pourtant, ça provoquait une vague nausée. Le miroir était posé sur un chevalet de cuivre, face au bureau du directeur.

— Comme promis, dit Merlin avec un grand geste, voici le contenu de ma boîte magique. Une partie du moins, ce qui suffit à rendre mon travail plus facile.

Il n’y avait qu’une seule chaise en face du bureau du directeur. James, Ralph et Rose s’agglutinèrent autour, mais aucun des trois ne s’y installa. Les yeux écarquillés, ils continuaient à regarder la pièce autour d’eux.

— Je vous ai vu regarder mon miroir, Mr Potter, dit calmement Merlin. (Il n’avait toujours pas quitté des yeux l’instrument qu’il tenait dans la main.) Il est étrange, non ? Je vois que vous avez des questions à me poser à son sujet. Je vous écoute.

— Qu’est-ce qu’il peut faire ? demanda James abruptement.

Merlin posa enfin son étrange appareil de cuivre sur son bureau, et leva les yeux.

— La vraie question, Mr Potter, est ce qu’il ne peut pas faire. Ce miroir est le légendaire Amsera Certh, le plus puissant objet magique de tous les temps. Avec l’aide de son Livre Compas, il peut indiquer le passé et le futur ; il peut montrer des endroits déjà connus ; il peut faire revivre d’anciens souvenirs ; il peut aussi, si nécessaire, désigner la plus belle dame du royaume. J’avoue ne pas trop comprendre l’intérêt d’une telle information, mais le créateur de ce miroir était un excentrique.

Merlin se leva, et fit lentement le tour de son bureau pour approcher du miroir.

— Il n’a existé que deux miroirs comme celui-là. Son jumeau appartenait autrefois à mon… partenaire, mais il est mort depuis longtemps, comme tous mes anciens associés. Hélas, cet autre miroir a été perdu dans les abîmes du temps.

Rose regardait fixement le brouillard argenté qui tournoyait au fond du miroir.

— Pourquoi seulement deux ?

Merlin tendit la main et tira une corde tressée. Un lourd rideau de velours noir tomba, dissimulant la vitre argentée du miroir.

— De telles pièces sont déjà très difficiles à créer, Miss Weasley. De plus, le monde n’est pas apte à supporter un trop grand nombre d’objets magiques aussi puissants. Leur poids influence grandement la balance du cosmos. S’il y en avait trop, cela pourrait créer des… divergences. Avant de revenir en ces temps modernes, j’ai connu des âges bien plus sombres où les divergences étaient mieux supportées. Fort heureusement, votre ère est plus légère. Malgré tout, il subsiste quelques reliques d’une époque où la magie était bien plus puissante. (Avec une fierté manifeste, Merlin examina la pièce autour de lui.) Je dois avouer que la plupart se retrouvent ici, dans ce bureau.

Ralph déglutit, et dit :

— Êtes-vous certain que ça ne risque rien ?

Merlin fit le tour de son bureau pour aller se rasseoir.

— Bien sûr que non, Mr Deedle, répondit-il calmement. Pas plus qu’une baguette ne « risque rien ». Mais la magie est sous contrôle, et c’est le point important.

— Avez-vous montré à Petra quelque chose dans ce miroir ? demanda soudain James.

Il examina attentivement le visage du directeur, mais Merlin n’exprima rien.

— Je dirais bien que ça ne vous regarde pas, Mr Potter, mais j’ai suffisamment vécu pour savoir qu’une telle réponse ne ferait qu’augmenter votre curiosité. Oui, c’est exact.

— C’est pour ça qu’elle était si triste en partant ? insista James. Que lui avez-vous montré ?

— Je lui ai montré ce qu’elle était venue chercher, répondit doucement Merlin. Rien de plus, rien de moins. Et si vous voulez en savoir davantage, vous le demanderez directement à Miss Morganstern, mais je ne pense pas qu’elle appréciera vos questions. (Sans la moindre pause, il enchaîna :) Maintenant, vous avez voulu me rencontrer tous les trois, que puis-je faire pour vous ?

Tout en parlant, Merlin tendit le bras sur son bureau et referma avec soin un énorme livre posé sur le côté. James supposa qu’il s’agissait du Livre Compas du miroir.

Avançant légèrement, Rose se plaça devant James.

— Nous – Euh… nous sommes venus vous demander l’autorisation d’ouvrir un club, monsieur le directeur.

— Quel genre de club ? répliqua aussitôt Merlin.

— Eh bien, un club de… d’entraînement, bafouilla Rose. Je veux dire, un club pour s’entraîner à jeter des sortilèges. Des sortilèges défensifs. Enfin, des choses comme ça.

— Nous ne voulons pas critiquer le professeur Soufflet ou ses méthodes, intervint Ralph. Il est très efficace. Mais nous aimerions pouvoir nous… entraîner.

Merlin s’autorisa un léger sourire.

— D’après ce que j’ai compris, ce bon professeur n’apprécie guère d’être appelé « professeur », dit-il.

Ralph piqua un fard.

— Euh… En effet, admit-il. Il veut qu’on l’appelle Kendrick.

— Quel genre de sortilèges avez-vous l’intention de pratiquer ? Et qui pensez-vous faire rentrer dans ce club ?

— Tous ceux qui voudront venir, répondit James. Et nous n’utiliserons que les techniques de défense basique : les sortilèges que nous avons appris l’an dernier en classe. Nous les jetterons sur des mannequins ou des cibles, jamais les uns sur les autres. Si les professeurs veulent venir nous surveiller, aucun problème. Mais je pense que ce sera plutôt… Euh… ennuyeux pour eux.

James s’arrêta, sentant qu’il en faisait un peu trop. Il était quasiment certain qu’aucun professeur n’aurait envie de faire des heures supplémentaires pour regarder un groupe d’élèves jeter des sortilèges Expelliarmus sur des mannequins, mais Merlin était assez intelligent pour deviner sa manœuvre. En plus, le directeur était parfaitement capable d’ordonner une rotation des autres professeurs pour surveiller le club, et Soufflet serait même le premier sur sa liste.

Alors que Merlin ouvrait la bouche pour répondre, l’appareil en cuivre sur son bureau s’anima tout à coup. Tous les yeux se baissèrent sur lui. C’était quelque chose comme un globe lumineux, créé par des anneaux de cuivre de différents diamètres qui indiquaient des latitudes et des longitudes terrestres. À l’intérieur, un mécanisme compliqué dirigeait un petit poinçon d’argent. C’est lui qui vibrait, faisant rouler le globe sur le bureau. Au bout d’un moment, le poinçon s’immobilisa, après s’être relevé d’un cran ou deux. L’appareil s’arrêta.

Merlin le regardait fixement.

— Qu’est-ce que… commença à Ralph.

Merlin l’interrompit.

— Vous pouvez ouvrir votre club, mes jeunes amis. Je veux être averti de l’endroit et des dates où vous avez l’intention de vous réunir, ainsi que la liste des élèves qui participeront. Après tout, quel genre de directeur serais-je si je ne me tenais pas au courant de ce genre de choses ?

Tout en parlant, Merlin sortit un parchemin avec les armes de Poudlard gravées au sommet. Il gribouilla quelques mots dessus, et le signa de son nom, souligné d’un paraphe autoritaire.

— Voilà qui devrait suffire comme autorisation officielle. Je souhaite à ce club tout le succès possible.

Les yeux écarquillés, un sourire de soulagement aux lèvres, Ralph jeta un coup d’œil à James.

— Mais, monsieur le directeur… commença Rose.

— Excusez-moi, dit Merlin en se levant. Il se trouve que j’ai une tâche inattendue à résoudre. Je ne veux pas vous retenir, je suppose que vous avez des préparatifs à organiser. Je vous laisserai retrouver votre chemin jusqu’à l’escalier. Fermez la porte derrière vous. Merci.

— Merci monsieur ! s’écria Ralph. (Il se tourna et poussa les deux autres vers la porte.) Vous n’aurez pas à le regretter !

— Ralph ! grinça Rose, à mi-voix.

Ils se bousculèrent les uns les autres en se précipitant dans le couloir. À peine hors de vue, Rose se retourna vers Ralph, horrifiée.

— « Vous n’aurez pas à le regretter » ? chuchota-t-elle. Mais enfin, qu’est-ce qui t’a pris de dire un truc pareil ? Tu veux qu’il ait des soupçons ou quoi ?

Ralph fit la grimace.

— J’étais nerveux. C’est sorti tout seul. C’est pas de ma faute. Allez, viens, on fiche le camp avant qu’il change d’avis.

James s’apprêtait à prendre l’escalier, quand il s’arrêta tout à coup, les yeux écarquillés. Il se tourna vers les deux autres.

— J’ai oublié le parchemin avec son autorisation ! s’exclama-t-il. Vous l’avez pris ?

— Non, pas moi, dit Ralph. Je croyais que Rose l’avait. C’est elle qui était la plus près du bureau.

— Tu nous as poussés vers la porte avant même que j’ai le temps de l’attraper, sombre andouille !

— Bon, je vais chercher, dit James.

Il retourna sur ses pas dans le couloir. La porte du bureau n’était pas refermée. Il la poussa légèrement, et jeta un œil à l’intérieur.

— Monsieur le directeur ? appela-t-il. Nous avons oublié le parchemin que vous avez signé pour nous. Est-ce que je peux…

James s’interrompit, les sourcils froncés, puis il ouvrit davantage la porte. Le bureau du directeur était vide. La pièce paraissait même particulièrement immobile. Ce n’était pas normal. Peut-être Merlin était-il parti par le réseau des cheminées ? L’appareil de cuivre sur son bureau était sans doute une alarme ou un Rapeltout, qui lui signalait un rendez-vous où il devait se dépêcher d’aller. James traversa la pièce et récupéra son parchemin sur le bureau du directeur. Au moment où il se retournait vers la porte, une étrange sensation le traversa. Avec un frisson, il se souvint de la douleur qui l’avait frappé au front un peu plus tôt, quand il attendait dans le couloir, juste avant que Merlin le fixe intensément depuis son bureau. Le cœur battant, James regarda autour de lui. Il comprit alors pourquoi la pièce lui semblait si anormalement figée. Au fond du bureau, du sol au plafond, il y avait des dizaines et des dizaines de portraits d’anciens directeurs. Parmi eux, bien entendu, se trouvaient les portraits de Severus Rogue et Albus Dumbledore. Le cadre de Dumbledore était vide. Mais, tous les autres portraits de la pièce étaient parfaitement immobiles et silencieux.

Ayant suivi James, Ralph et Rose apparurent à l’entrebâillement de la porte. Rose regarda les portraits figés, les yeux écarquillés, l’expression anxieuse.

— Ça fiche la trouille, dit-elle à voix basse.

— Franchement, dit Ralph, c’est le seul endroit sur terre où des tableaux qui ne bougent pas semblent de mauvais augure. Mais je suis d’accord avec toi, Rose. Ça fiche la trouille ! Qu’est-ce qui se passe ? Où est Merlin ?

James traversa la pièce, et s’arrêta devant le portrait de Severus Rogue. L’année passée, il avait plusieurs fois parlé à la peinture de l’ancien directeur, qui l’avait régulièrement insulté d’ailleurs. Délicatement, il tendit la main, et effleura le visage du portrait. Il sentit le contact granuleux de la peinture en passant sur le nez crochu du long visage. Rogue ne cligna même pas des yeux.

Rose poussa un cri étouffé.

— Regardez ! dit-elle, d’une voix à peine audible.

James se retourna. Le rideau noir avait été relevé sur l’Amsera Certh, mais la surface argentée ne représentait plus un brouillard tourbillonnant et fumeux. Il montrait une scène précise. La vue était brouillée et légèrement trouble, comme si le miroir était une vitre ancienne, sale ou imparfaite. Ralph et James s’approchèrent de Rose, près du miroir. Au-delà de leur reflet, ils essayèrent de comprendre la signification de ce qu’ils voyaient.

Il y avait des arbres noueux dans une forêt épaisse. Tout était brumeux, et les troncs si serrés qu’ils bloquaient presque toute la lumière grisâtre de ce jour nuageux. Une petite clairière s’ouvrait derrière les premiers arbres et, au centre, s’élevait une sorte de monument, étouffé par la mousse et le lierre. C’était une sculpture haute, mince, et penchée. La scène était plus ou moins floue, noyée dans le brouillard, mais James réalisa quand même que ça représentait un jeune homme au costume démodé. Le visage était plutôt beau et noble. Sur le socle de la statue, il y avait des lignes gravées dans la pierre, mais James n’arrivait pas à les lire.

Rose se couvrit la bouche de la main pour étouffer un cri.

— Je connais cet endroit ! chuchota-t-elle, horrifiée. Mais pourquoi le miroir nous le montre-t-il ?

James eut l’horrible pressentiment que lui aussi connaissait « cet endroit ». Il en avait entendu parler, sans l’avoir jamais vu. Très peu de gens étaient au courant de son existence. Sur le socle de la statue, au-dessus des lignes indéchiffrables, il y avait trois lettres plus grandes, profondément creusées dans la pierre grise : T.E.J.

— T.E.J. ? dit Ralph en réfléchissant. (Puis il poussa un cri :) Tom Elvis Jedusor ! C’est vraiment la tombe de Voldemort ? Mais qui a pu vouloir enterrer un tel monstre ?

Rose étudiait toujours la scène fantomatique.

— Personne ne le sait, répondit-elle très vite. Il y a eu des donations anonymes pour payer les funérailles et le monument, indiquant que le défunt était Tom Jedusor et non Voldemort. Aucun cimetière sorcier n’a voulu accepter sa dépouille, alors, ils ont fini par l’enterrer en secret, dans une forêt magique dont personne ne peut détecter l’emplacement. À mon avis, très rares sont ceux qui connaissent cet endroit.

Dans le miroir, une forme remua. James, Ralph, et Rose poussèrent en même temps un cri. La silhouette n’était pas « arrivée » sur la scène, ni brusquement apparue, non, c’était plutôt comme si elle avait été là tout le long, sans que personne ne la voie. Et c’est uniquement lorsqu’elle avait bougé que sa présence avait été remarquée. L’être portait une longue robe noire, au capuchon baissé, aussi on ne voyait pas son visage, mais il y avait quelque chose d’effrayant dans la façon dont bougeait le tissu. On aurait dit qu’il n’y avait rien dessous, que de la fumée noire agitée par le vent. Au bas de la robe, l’ourlet déchiqueté ne touchait pas le sol. Aucun pied n’apparaissait en dessous. James frissonna à la vue de cette horrible silhouette. Il repensa au tabloïd que Lucy lui avait envoyé. On y parlait d’un « être de cendre et de fumée ». Était-il possible que ce soit la même créature ? Était-il possible que ce soit le Gardien des Portes ? La forme leva un bras, exhibant une main blanche et fine qui semblait faire un geste d’invite. Peu après, la statue du jeune Voldemort frissonna. L’expression noble s’effaça de son visage, et les bras s’agitèrent comme ceux d’une marionnette manipulée par des fils extérieurs. Et tout à coup, une voix distante s’exprima. Elle n’émanait qu’à peine du miroir, étouffée par les rafales du vent et des craquements des branches.

— Êtes-vous celui dont l’écho m’appelle ? demanda la voix de l’être caché. Celui dont les desseins ont pesé davantage que tout autre sur cette sphère, et dont l’objectif ultime correspond si bien au mien ? Apparaissez !

Lorsque la statue répondit, sa voix était aiguë, lointaine, presque inaudible.

— Je suis Tom Elvis Jedusor, également connu comme Lord Voldemort. Je suis mort depuis bien des années sur cette terre. Mes os ont été réduits en poussière ; mon âme à jamais envoyée dans le royaume des ténèbres et des tourments éternels.

— Et pourtant, répondit l’être noir, votre empreinte reste assez forte pour m’avoir attiré ici. Mais vos restes sont sans utilité pour moi. Aussi, je présume que votre intention est de m’indiquer celui qui vous a vaincu. Peut-être pourrais-je l’utiliser à bon escient.

— Celui qui m’a vaincu ne vous apportera rien, affirma froidement la statue. (Sa voix disparaissait de plus en plus dans le vent violent de ce lointain endroit.) Autrefois, il n’était qu’un enfant, et déjà, il résistait. Vous n’auriez pu le corrompre. Il ne vous aidera pas. Mais il y en a d’autres…

Dans le miroir magique, la vision se troubla. James tendit la main vers la vitre, pour la toucher ou pénétrer à l’intérieur, mais Rose l’arrêta. Elle secoua la tête. À nouveau, James se concentra sur ce qu’il entendait.

— Ils vous attendent à présent, annonça la voix défunte de Tom Jedusor. Comme vous l’avez dit, je ne suis plus qu’un souvenir ; un écho du passé ; la trace d’une vie disparue. Mais mes disciples vous offriront un cœur où mon sang vit encore, mon essence vitale. Ils l’ont préparé pour vous. Ils vous attendent, cette nuit même…

À ce moment précis, une autre silhouette apparut à travers les branches. Elle avançait au milieu de l’ombre des arbres. James le voyait à peine, mais il était certain que c’était un homme. Comme le premier, il était vêtu d’une longue robe noire au capuchon baissé, mais de sa position, James voyait son visage. L’homme était pâle et âgé, avec des yeux farouches et déterminés. Les arbres s’agitaient de plus en plus, et le vent devenait tornade. La tempête qui approchait étouffait les voix distantes. James entendait à peine les mots de l’homme pâle.

— Nous avons tout préparé pour vous, ô Maître du Néant, dit-il, la main tendue en un signe d’hommage. Nous vous attendions. Le monde entier vous attend. Votre heure approche.

Et tout à coup, un nouvel arrivant apparut dans les bois, en face de l’homme pâle. Lui aussi était vécu en noir, mais il était bien plus grand que celui qui venait de parler. Il ne se faufila pas entre les troncs, comme l’avait fait le second homme, il avança tout droit, avec la grâce dangereuse d’un prédateur. Une fois dans la clairière, il fit face à la silhouette inquiétante du Gardien des Portes. James était troublé. Dans l’allure souple de ce grand sorcier, quelque chose le faisait penser à Merlin. L’homme pâle ne parut pas surpris de cette apparition subite, juste plus las encore. Il eut un sourire à peine esquissé. Quand le grand sorcier et le Gardien maudit échangèrent quelques mots, un violent coup de tonnerre noya leurs paroles. Le vent hurlait désormais sans discontinuer, annonçant un orage tout proche. De lourdes gouttes de pluie se mirent à tomber. James vit la scène une fois encore se troubler.

Tout à coup, l’homme pâle leva la tête et tendit le doigt. James poussa un cri. C’est lui que l’autre désignait, comme s’il l’avait vu à travers le miroir. L’homme pâle le regardait droit dans les yeux. Le grand sorcier se retourna. Si c’était bien Merlin, James ne put en être sûr, à cause de l’ombre de son capuchon. Pire que tout, le visage de la statue se tourna également. Dans le miroir, la sépulture de Tom Elvis Jedusor fixa James Potter, avec un sourire vide qui montrait toutes ses dents, sculptées dans la pierre.

Horrifié, James vacilla en arrière, le plus loin possible du miroir. Il recula jusqu’à heurter le bureau. Il entendait à peine les cris de Ralph et Rose qui l’appelaient, mais il sentit les mains de ses amis le secouer, cherchant à l’entraîner vers la porte.

— Viens vite ! cria Rose d’une voix frénétique. Nous devons sortir ! Ils nous ont vus ! Et à mon avis, ils reviennent. Ils reviennent !

Les yeux de James s’écarquillèrent. Sur une impulsion, il se retourna, et se pencha sur le bureau derrière lui. Le Livre Compas était grand ouvert. Il n’y avait qu’une seule annotation sur la page, écrite de la main même de Merlin : « Tombe de l’hôte recherché ». Sans réfléchir, James tendit les deux mains et referma violemment le livre. Immédiatement, le tonnerre résonna derrière la fenêtre du bureau. Un vif éclair illumina la pièce, et un courant d’air glacé la traversa toute, soulevant les rideaux.

— Potter ! cria une voix stridente.

James pivota. Les tableaux des anciens directeurs s’étaient réanimés. La plupart regardaient autour d’eux, l’air surpris, en clignant des yeux. Divers parchemins s’envolèrent d’eux-mêmes et traversèrent la pièce avant de s’enrouler furieusement sur le sol. Le portrait de Rogue fixait James, les yeux écarquillés et très sombres.

— Mais qu’est-ce qui vous prend, Potter ? C’est de la magie très ancienne et dangereuse, quelque chose que vous ne pouvez même pas imaginer ! Quittez cet endroit ! Immédiatement ! Et vite !

Cette fois, Ralph agrippa James par l’épaule et le traîna (quasiment de force) jusqu’à la porte qui s’ouvrit d’elle-même devant eux.

— Venez vite ! hurla Rose.

Elle se précipita dans le couloir, et se retourna. La porte commençait à se refermer. Ralph plongea en avant, tirant toujours James avec lui. Quand James passa devant son tableau, le visage de Rogue était tendu, son expression effrayante. James et Ralph se faufilèrent de justesse dans l’entrebâillement de la porte, avant que le lourd panneau claque derrière eux avec un bruit retentissant.

À cause de leur élan, James et Ralph bousculèrent Rose au passage, et tous trois s’écroulèrent sur le banc du couloir, le cœur battant, le souffle court. Tous ensemble, ils se remirent vite sur leurs pieds, et coururent vers l’escalier en spirale, qu’ils dévalèrent quatre à quatre jusqu’à l’étage du dessous. En fait, ils ne cessèrent pas de courir avant d’atteindre une grande galerie aérée, où ils s’arrêtèrent enfin, les jambes tremblantes. Ils se regardèrent les uns des autres, les yeux écarquillés.

Ralph se plia en avant, le souffle court, les deux mains sur les genoux.

— J’espère, haleta-t-il, que l’un… de vous deux… cette fois… a pensé à prendre… le parchemin.

 

Description : C:\Users\Lecto\Desktop\HP2\Lippert,Norman G.-[James Potter-2]La Malediction du gardien(2011).French.ebook.AlexandriZ_fichiers\/epubstore/N/L-Norman/La-Malediction-Du-Gardien//image026.jpg

 

Après une nuit de tonnerre et de bourrasques, l’aube du dimanche matin se leva aussi fraîche qu’une rose. De pâles couleurs orangées créaient de brillantes étincelles dans l’herbe et les arbres trempés. Après le petit déjeuner, James, Ralph, et Rose coururent dans le jardin mouillé en direction de la cabane de Hagrid, où ils tambourinèrent à la porte. Quand le demi-géant ne répondit pas, les trois élèves firent le tour de la cabane, vers le jardin, où ils y trouvèrent Hagrid et son bullmastiff, Snob. Hagrid bêchait la terre au milieu de ses citrouilles géantes, aux racines aussi épaisses que des lianes. Mouillé jusqu’aux genoux, il avait déjà arraché un énorme tas de mauvaises serbes, et chantonnait gaiement.

— Bonjour, vous trois ! C’est curieux de vous voir levés d’aussi bonne heure un dimanche matin.

Rose essuya les perles de pluie sur une des citrouilles. Quand elle la considéra suffisamment sèche, elle s’installa dessus.

— Bonjour, Hagrid, dit-elle. Nous sommes venus vous parler de quelque chose.

— Flute alors ! s’exclama Hagrid. Voilà qui ne me rajeunit pas. En te voyant comme ça, jeune Rose, avec les deux garçons, ça me rappelle vraiment le bon vieux temps. Nous serons mieux à l’intérieur. J’étais justement en train de dire à Snob qu’une bonne tasse de thé chaud ne nous ferait pas de mal. Nous parlerons aussi bien devant le feu.

Ils retournèrent donc ensemble jusqu’à la cabane de Hagrid. Au-dessus du feu, une énorme théière en fonte était suspendue à un crochet. James, Rose, et Ralph s’installèrent sur de très hautes chaises autour de la table.

Ralph jeta un coup d’œil à Rose avant de se lancer.

— Hagrid, dit-il, hier, nous étions dans le bureau du directeur, et nous avons vu quelque chose de très étrange. Rose pense qu’il vaudrait mieux que nous en parlions à quelqu’un, parce que ça risque de nous causer des ennuis.

James agitait ses jambes sous la table, la tête tournée vers la fenêtre.

— Je te signale que tout le monde n’est pas d’accord avec l’avis de Rose, marmonna-t-il.

— Comment peux-tu penser que ce que nous avons vu n’est pas inquiétant, James ? demanda Rose. Même Ralph est d’accord pour dire que…

— Je ne dis pas que ce n’est pas inquiétant, coupa James, en jetant à sa cousine un regard noir. Je dis juste que le directeur est impliqué là-dedans pour d’autres raisons que celles que tu veux nous faire croire.

— Je ne veux rien vous faire croire de particulier, mais je ne vois pas l’intérêt de nier l’évidence. Nous avons vu dans le miroir un homme qui ressemblait de façon suspecte au directeur. Il marchait comme lui, tu l’as dit toi-même. Et il complotait avec… un ennemi bien connu et des gens effrayants. À mon avis, l’un d’entre eux n’était même pas humain ! Et tu as vu la statue de Tu-Sais-Qui !

Hagrid fronça les sourcils en s’installant dans son vieux fauteuil habituel.

— Houlà, intervint-il, attendez une minute tous les trois ! Je ne sais pas ce que vous avez vu, mais je ne veux pas revoir cette vieille bête dans la conversation. Racontez-moi simplement ce qui s’est passé.

Rose se mit donc à expliquer les événements de la veille, en commençant par leur rendez-vous avec le directeur. Tandis que son récit se poursuivait, James et Ralph intervinrent, ajoutant des détails, des corrections, ou leurs points de vue. Aussi, quand ils arrivèrent au moment où tous les portraits s’étaient ranimés, lorsque la peinture de Rogue leur avait ordonné de filer, ils parlaient tous les trois à la fois. Quand ils eurent terminé, ils se turent, et attendirent la réponse d’Hagrid.

Le demi-géant resta assis dans son immense fauteuil devant le feu, avec une expression lointaine et tendue sur le visage. Il regardait en direction de ses trois invités, mais sans réellement les voir. James était quasiment certain qu’Hagrid n’allait pas croire à leur histoire – ou du moins qu’il la penserait très exagérée. Il allait affirmer qu’ils n’avaient vu dans le miroir qu’une machination sans importance, menée par des gens qui refusaient d’accepter d’avoir perdu la guerre, il y a bien longtemps. James avait appris de son père qu’Hagrid, qu’il apprécie ou non le directeur en titre de Poudlard, se montrait envers lui une loyauté sans faille. Il défendrait donc Merlin, et assurerait aux trois élèves qu’il n’y avait rien à craindre. D’ailleurs, c’était en partie la raison qui avait poussé James à accepter cette sortie jusqu’à la cabane pour parler au demi-géant. Et pourtant, maintenant, en regardant Hagrid rester assis, figé, en silence, avec cette expression inquiète, James se demandait si cette idée avait été tellement bonne.

Soudain, la théière se mit à siffler, ce qui fit sursauter tout le monde. Hagrid se secoua, puis il tendit la main et récupéra l’ustensile sur son crochet. Il le ramena sur la table, et le posa sur un support.

— Alors ? insista James. Qu’est-ce que vous en pensez, Hagrid ?

Le demi-géant le regarda, avant de s’essuyer les mains sur une énorme serviette.

— Tu sais, c’est un peu difficile à comprendre. Qu’y a-t-il à dire ? Ça pourrait être n’importe quoi, je suppose. Le directeur a des pouvoirs terribles, et certains de ses appareils sont très puissants. À mon avis, le portrait du vieux professeur Rogue a eu bien raison de vous dire de filer.

James gesticula en direction de sa cousine.

— Mais Rose n’arrête pas de dire que c’est Merlin qui s’est pointé sur la tombe de Voldemort ! précisa-t-il. Dites-lui qu’elle est dingue de penser ça. Hagrid, Merlin est le directeur !

La porcelaine cliqueta violemment quand Hagrid sortit d’un placard des tasses et des soucoupes, qu’il rapporta sur la table.

— Tu as raison, James. Merlin est le directeur. Tout ce que je peux dire, c’est que si c’est bien lui qui est apparu dans ce miroir, pour parler à je ne sais qui, eh bien… il avait de très bonnes raisons pour le faire.

— En plus, on n’est même pas certain que ce soit lui ! (James se tourna vers Ralph, cherchant son appui.) Ce truc bizarre qui est apparu en premier paraissait franchement démoniaque. Au début, j’ai cru que c’était un vieux Mangemort. Normal, c’était quand même la tombe de Voldemort !

Hagrid posa délicatement une place et une soucoupe devant chacun de ses convives. Ses grosses mains tremblaient.

— James, dit-il fermement, j’aimerais beaucoup que tu ne prononces pas ce nom-là à ma table. Je sais que la bataille est depuis longtemps terminée, mais certaines habitudes ont la vie dure, si tu vois ce que je veux dire.

Rose remua sur son siège.

— Hagrid, qu’en pensez-vous ? Est-ce que ça pouvait être Merlin ?

Avant de répondre, Hagrid versa de l’eau bouillante dans chacune des tasses. Puis il se rassit – son siège émit un grincement rauque. Hagrid examina Rose d’un œil attentif, tout en faisant tourner son thé dans sa tasse d’un geste délicat.

— On dit que notre directeur à la main verte, dit-il, en changeant apparemment de sujet. Bien sûr, je ne lis pas beaucoup, mais tout le monde sait que le grand Merlin prend soin de la terre, de la nature et des arbres. Depuis que je suis enfant, j’ai entendu des légendes sur la façon dont Merlin sait parler aux oiseaux et aux plantes. Alors, quand il est revenu cet été, comme notre nouveau directeur, je suis allé au château pour faire sa connaissance. Et je l’ai invité chez moi, dans ma cabane, pour lui montrer mon petit jardin. Il est venu dès le lendemain. Il a arpenté mon jardin, sans dire un seul mot. Il a juste marché, dans toutes les allées, en tapotant le sol de son grand bâton, en regardant mes citrouilles, mes courges, mes choux. Ensuite, il a levé les yeux en direction de la forêt. On aurait dit qu’il écoutait le chant des arbres.

Hagrid tenait toujours sa cuillère à thé dans son énorme main. Doucement, il la posa à côté de sa soucoupe. Puis il regarda James, Ralph, et Rose, l’un après l’autre.

— Connaissez-vous les Djinns ? continua-t-il. Ça ressemble à des corbeaux, mais en plus grand, beaucoup plus grand – des oiseaux magiques, aussi noirs que la nuit, avec de sinistres yeux rouges. Je n’en avais encore jamais vu, mais j’en avais entendu parler. D’après les légendes, ce sont des créatures sombres et mystérieuses, très puissantes, très secrètes. Je croyais aussi qu’ils ne sortaient que la nuit. D’après ce qu’on dit, quand on croise un Djinn sur son chemin, il faut faire demi-tour et revenir chez soi en courant. Parce qu’il annonce un horrible danger pour ceux que vous aimez.

« Ce jour-là, avec Merlin, quand j’ai vu cet énorme oiseau noir s’élever au-dessus des arbres, j’ai failli crier et dire au directeur que nous devions rentrer. Mais je savais que lui aussi l’avait déjà vu. Il n’avait pas l’air de s’inquiéter. Alors, je me suis contenté de regarder. Le Djinn a volé droit sur nous, au-dessus du jardin, et il s’est posé sur une de mes citrouilles, à côté du directeur. Et Merlin n’a rien dit. Il a juste regardé. Il y avait quelque chose de vraiment étrange dans la façon dont ces deux-là se dévisageaient. Ils n’ont pas parlé, mais il m’a semblé clair comme le jour qu’ils étaient en train de communiquer, quelque part. Au bout d’une minute, le Djinn s’est tourné vers moi, de cette façon étrange qu’ont toujours les oiseaux, la tête un peu tournée, et un œil pointé droit sur moi. Cet œil rouge m’a examiné, et j’ai été comme un enfant terrorisé devant ce regard.

Hagrid regarda les trois élèves d’un air implorant.

— J’adore toutes les créatures magiques ! déclara-t-il. Mêmes les dragons et les Scroutts. Vous le savez mieux que personne. J’enseigne les Soins aux Créatures Magiques, nom d’une pipe ! Et pourtant, cet horrible oiseau m’a fait peur. Alors que cet œil rouge et brillant me regardait, je n’avais qu’une envie, c’était de l’arracher, pour qu’il ne puisse plus jamais regarder quelqu’un de cette façon-là. Cette réaction m’a fait honte. Et c’est encore le cas.

Hagrid s’arrêta, et prit une gorgée de son thé. Puis il s’éclaircit la gorge, et continua.

— Au bout d’un moment, l’oiseau s’est envolé, en agitant ses immenses ailes noires. Il est retourné vers la forêt, et il a disparu. Le directeur l’a regardé partir, puis il est revenu vers moi, en tapant son bâton sur le sol. Quand il est arrivé à mes côtés, il a regardé mon carré de citrouilles – surtout dans le coin ouest – et il m’a dit : « Vous avez un mauvais sortilège dans ce coin. » Eh bien, c’était la vérité, je ne pouvais pas le nier. Dans ce coin ouest, depuis cinq ou six ans, je n’ai pu faire pousser autre chose que des ronces et des orties. Alors, je lui ai dit : « Oui c’est vrai. » Il m’a regardé dans les yeux, et il a dit : « C’est à cause d’une renarde, qui est morte ici, avec ses petits. Elle est toujours dans sa tanière, dans ce coin de votre jardin, Mr Hagrid. Le sortilège provient de leurs os qui appellent un matin qui n’est jamais venu. Creusez, retrouvez-les, et enterrez-les dans la forêt. Ensuite, répandez sur la terre de la poudre de Chagrinus. Le professeur Hallondonk pourra vous en fournir, avec mes compliments. Ça réglera votre petit problème. »

La bouche de Rose exprimait une moue désolée.

— Qu’avez-vous fait, Hagrid ?

Hagrid se tourna vers elle, les sourcils levés.

— J’ai obéi, bien entendu. J’ai trouvé les os exactement à l’endroit indiqué, comme l’avait dit le directeur, et j’y ai ajouté de la poudre de Chagrinus. Et comme vous pouvez le voir, ça a tout changé. Depuis, il pousse dans ce coin les plus merveilleux courges-démon que j’ai jamais vues. Une superbe variété verte à rayures tigrées. Alors, vous voyez, ce que je voulais dire…

Hagrid s’arrêta et, une fois de plus, joua nerveusement avec sa tasse et sa soucoupe. Puis il but, comme pour se donner le temps de réfléchir.

— Quoi, Hagrid ? demanda Ralph impatienté. Que vouliez-vous dire ?

Hagrid le regarda, comme s’il cherchait ses mots, pour exprimer au mieux sa pensée. Finalement, il se pencha en avant sur la table et parla d’une voix très basse :

— Ce que je voulais dire, c’est qu’il est évident que le Djinn a parlé au directeur : c’est lui qui a indiqué à Merlin la présence de la renarde et de ses petits. Aussi, non seulement les anciennes histoires concernant la relation du grand Merlin avec les arbres et les oiseaux sont exactes, mais il parle aussi aux créatures mystiques de la nuit. Si j’avais vu ce grand oiseau de malheur montrer ses yeux rouges en ma présence, n’importe quand, je me serais détourné pour courir le plus vite possible. Mais pas Merlin. Lui, il a regardé le Djinn voler vers lui comme s’il l’avait lui-même appelé. Comme s’il le connaissait par son nom.

James avait pincé les lèvres en une ligne serrée. Finalement, il se redressa dans sa chaise et dit aussi directement qu’il l’osa :

— Alors, pour vous, cet homme est démoniaque ?

Étonné, Hagrid le regarda en clignant des yeux.

— Quoi ? Bien sûr que non ! Qui a jamais prétendu qu’il était démoniaque ?

Cette fois, James ne comprenait plus rien.

— Mais vous venez juste de dire…

— Attends un peu, James, dit Hagrid très sérieusement, et vous autres aussi. Je veux être bien clair. Tout ce que je dis, c’est que le directeur provient d’une époque différente, une époque qui nous terroriserait tous. Merlin y a survécu. Il connaît des choses qu’aujourd’hui nous considérons comme démoniaques, mais de son temps, c’était différent. Disons seulement que rien n’était tout noir ou tout blanc à l’époque d’où il vient. Je ne veux pas dire que le directeur lui-même soit mauvais. Non ! J’ai de très bonnes raisons de lui faire confiance, et je lui fais confiance. Il est simplement un peu… sauvage – si vous voyez ce que je veux dire – et c’est tout.

— Mais Hagrid, s’exclama Rose, et le miroir ? Nous l’avons vu avec ce… cette horrible chose qui flottait dans sa robe noire !

— Si c’était le directeur, répéta le demi-géant avec entêtement, eh bien, il devait avoir une excellente raison pour être là-bas. Tu l’as dit toi-même, Rose, aucun d’entre vous n’a pu entendre ce qu’il a dit à cette créature. Peut-être était-il en train de la repousser ? Peut-être… Je n’en sais rien. Mais c’est justement le problème : vous n’en savez rien non plus.

— C’est exactement ce que je dis depuis le début ! dit James avec force.

Il jeta un œil noir à sa cousine à travers la table.

— L’ennui, continua Hagrid, c’est qu’aucun d’entre vous ne sait exactement ce que vous avez vu, du début à la fin. Oui, Merlin vous a bien dit que le miroir montrait le passé, le futur, et de très lointains endroits, pas vrai ? Peut-être avez-vous vu quelque chose qui n’existe même pas. Y avez-vous pensé ?

— En fait, non, remarqua Ralph, d’un ton songeur.

— Il y avait quand même la tombe, insista Rose. Donc, il est impossible que ça provienne d’un lointain passé. Volde… Euh… Vous-Savez-Qui n’est pas mort depuis si longtemps. Et puis, sa tombe était couverte de mousse et d’herbes. Donc, c’était plutôt récent…

— Laisse tomber, Rose, dit Ralph en haussant les épaules. Tu as peut-être raison mais que pouvons-nous y faire ? Il nous faut juste espérer que Merlin agira au mieux, comme le dit Hagrid. Si c’est le cas, nous n’avons pas à nous inquiéter. Sinon… que veux-tu au juste que nous fassions contre un mec qui est capable de provoquer un tremblement de terre pour engloutir toute une armée ?

Rose était furieuse, mais elle ne répondit pas.

Peu après, ayant fini leur thé, James, Ralph et Rose firent leurs adieux à Hagrid. En sortant de la cabane, James regarda dans le coin ouest du jardin. Effectivement, il y avait d’énormes courges rayées orange et violet, cachées sous leurs feuilles épaisses, encore toute brillantes de la pluie de la nuit.

Ils remontèrent tous les trois en direction du Saule Cogneur.

— Je me fiche de ce que tout le monde pense, dit tout à coup Rose, d’une voix grave, je ne lui fais pas confiance. Il n’est pas ce qu’il prétend être.

— Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’elle dit, prévint Ralph, mais il me semble quand même que cette histoire rend notre nouveau club de D.F.M. encore plus important.

— Comment ça ? demanda James.

— Ça me paraît évident, expliqua Ralph. Si ce que nous avons vu dans le miroir est exact – et vient de se passer – alors ça veut dire que les temps à venir vont être difficiles. Nous aurons peut-être de véritables ennemis à combattre. Et je préférerais être prêt pour ça.

— Ralph, dit Rose, d’une voix différente, tu m’impressionnes. En général, je te trouve aussi épais qu’un mur de briques, mais là, tu as raison.

Ralph s’empourpra.

— Merci. Euh… j’imagine.

Alors qu’ils contournèrent d’épais buissons non loin du Saule Cogneur, ils tombèrent sur Noah, Damien et Gennifer Tellus, une Gremlin de Serdaigle. Ils étaient tous les trois accroupis, hors de portée, et étudiaient le tronc noueux du vieil arbre. Les branches du Saule Cogneur s’agitaient et remuaient fébrilement, comme si l’arbre ressentait la présence d’intrus, sans pouvoir les atteindre.

Ralph, James, et Rose s’approchèrent des trois Gremlins.

— Hey ! cria Ralph. Nous avons l’autorisation de commencer le nouveau club…

Noah leva une main pour l’interrompre.

— Chut ! Attends une minute.

Les trois arrivants s’accroupirent derrière les Gremlins qui complotaient à voix basse.

— Un peu plus bas, murmura Damien. Appuie sur le gros truc qui ressemble à la pomme d’Adam d’un mec vraiment très maigre.

Noah secoua la tête.

— J’ai déjà essayé ça la dernière fois. Je n’arrête pas de te dire que c’est de l’autre côté, devant le château. Je m’en rappelle ! C’est ce que Ted faisait l’an dernier.

Gennifer avait un très long bâton. En se mordant les lèvres de concentration, elle le tendait en avant et essayait, avec l’autre bout, d’atteindre le tronc de l’arbre. Le Saule Cogneur agita souplement, et presque paresseusement, ses branches et arracha le bâton des mains de Gennifer. La jeune sorcière poussa un gémissement de douleur, et secoua ses doigts. Perdu dans les branchages du Saule Cogneur, son bâton avait disparu. L’arbre avait l’air presque moqueur.

— Je t’avais dit d’aller plus bas ! s’exclama Noah.

Il recula et se redressa. De derrière son épaule, Gennifer lui jeta un regard mauvais.

— Tu n’as qu’à essayer toi-même, rétorqua-t-elle. Mais d’abord, il faut que tu te trouves un autre bâton.

— Ce n’est pas de ma faute si c’est toi qui a les plus longs bras, protesta Noah. Franchement, à te voir, on dirait un gorille.

— J’ai amené un autre bâton, dit calmement Damien. Voilà. Gen, essaye encore une fois. Ça finira par marcher.

Tandis que James étudiait attentivement la manœuvre, Gennifer recommença à vouloir atteindre le tronc. Le Saule Cogneur, une nouvelle fois, balança ses branches pour récupérer le bâton fouineur, mais il échoua. James demanda à Noah :

— À quoi ça sert ?

Noah essuya sur son jean ses mains couvertes d’herbe et d’humidité.

— Il est possible qu’il y ait là-dessous un passage secret, répondit-il. Depuis que je suis arrivé à Poudlard, nous essayons chaque année d’y entrer. C’était une idée de Ted. Quand on heurte un endroit précis sur le tronc, le Saule Cogneur s’immobilise, et on peut passer en dessous.

Les yeux de Roses s’éclairèrent.

— Et ça mène à un passage secret ? Mais je croyais que tous les anciens passages avaient été scellés.

— Il y a scellé et scellé, se moqua Noah. Tu vois, Poudlard est un château magique, et après un moment, il rouvre tout seul les passages. Ou alors, il en crée de nouveaux, comme par hasard, pas très loin. Petra a découvert le tunnel de St Lokimagus dans le couloir où il y a aussi la statue du cyclope, et autrefois, il y avait un passage secret juste derrière cette vieille sorcière.

— Oui, je me rappelle que ma mère m’en a parlé, dit Rose. Elle disait que ça conduisait à Pré-au-lard. J’aurais bien aimé qu’il fonctionne encore ! J’aimerais voir ce village magique dès cette année, et les « première année » ne sont pas autorisés à s’y rendre durant le week-end.

— Aaah ! Pré-au-lard ! (Noah poussa un long soupir.) Depuis toujours, ce village transforme les meilleurs élèves en parfaits vauriens. C’est là que Ted travaille actuellement, chez George Weasley. Nous avons tous l’intention de lui offrir quelques Bièraubeurre aux Trois Balais la prochaine fois que nous irons au village. Sauf Petra, bien sûr.

— Pourquoi ? demanda James tout à coup. Qu’est-ce qui ne va pas avec Petra ?

Noah lui jeta un coup d’œil.

— Oh, rien d’important. Juste qu’elle ne veut pas revoir Ted. Tu sais, ils formaient quand même un couple. Et Ted l’a laissé tomber pour sortir avec Victoire. Durant tout l’été, c’est resté un secret, mais maintenant, tout le monde est au courant. Il paraît que quelqu’un a cafardé le jour de la rentrée, à la gare de King Cross.

James réagit avant de réfléchir.

— Je n’ai pas cafardé ! protesta-t-il. C’est Ted qui m’a demandé de le dire. Il voulait que tout le monde soit au courant, mais sans que ça vienne directement de lui.

Gennifer se retourna pour regarder James.

— C’était toi ?

James leva les yeux ciel.

— Et pourquoi Petra est-elle tellement contrariée à ce sujet ?

— Aucune idée, répondit Noah avec un soupir. Avec les filles, comment savoir ? Entre Ted et elle, à mon avis, il n’y avait rien de sérieux. D’accord, je pensais que ce serait Petra qui casserait la première. Ted est un peu trop sauvage pour une fille comme elle. Elle a besoin d’un mec tout à fait différent.

— Un mec dont les initiales seraient N et M par exemple ? demanda Damien, avec un sourire.

James se sentit piquer un fard. Il était contrarié d’être la cause accidentelle de la mélancolie de Petra – puisque c’était lui qui avait révélé la relation entre Ted et Victoire, même si Ted le lui avait demandé. Pour une raison étrange, il était aussi contrarié que Noah envisage de prendre la place de Ted. D’un air aussi nonchalant que possible, il demanda au Gremlin :

— À ton avis, quel genre de mec conviendrait à Petra ?

— Eh bien, dit Noah en haussant les épaules, Petra est intelligente – bien plus que ce que réalise la plupart des gens. Elle a besoin d’espace. Il lui faut un mec capable de la prendre au sérieux, mais sans l’étouffer. Ted est un mec génial, et nous l’adorons tous, mais il n’est pas du genre à prendre la vie au sérieux.

Rose s’interposa.

— J’ai entendu dire que Petra avait postulé pour le rôle d’Astra dans la pièce de Curry. Avec ses longs cheveux noirs et ses yeux bleus, elle serait parfaite.

— C’est vrai, approuva Noah, du moins si elle persiste dans son intention. Elle est en compétition avec Joséphine Barnet, et Joséphine tient vraiment à obtenir ce rôle.

— J’aimerais vraiment que Petra oublie Ted Lupin ! dit Rose avec insistance. Elle est bien plus jolie que Joséphine. Si je pouvais, je l’aiderai à répéter le rôle. Il ne reste qu’une seule audition, je crois ?

— Oui, à la fin de la semaine, répondit Noah. J’espère que Petra réussira. D’ailleurs, j’espère toujours avoir moi-même le rôle de Donovan.

— Et Donovan et Astra dansent ensemble, chantonna Damien, d’un air romantique.

— Ça, c’est rien, dit Noah. Je te signale qu’Astra et Travis devront s’embrasser sur la scène, et d’après le scénario, c’est un baiser « d’amour véritable et éternel ».

— On ne s’embarrasse jamais vraiment sur scène, dit Rose en secouant la tête. On se contente de faire semblant, la tête tournée, en se collant les joues l’une à l’autre. Il suffit que l’assistance pense que les acteurs s’embrassent.

— Même faire semblant, ça me plairait, marmonna Noah. Alors, Tellus, tu en es où avec ton bâton ?

— Ne l’embête pas pendant qu’elle travaille, grommela Damien. Un maestro a besoin de calme…

Il était toujours agenouillé à côté de Gennifer. Le Saule Cogneur s’énervait de plus en plus, son tronc craquait de façon menaçante, comme si l’arbre se penchait pour essayer d’allonger ses branches, et d’atteindre les perturbateurs dont il sentait la présence. Le bâton de Gennifer s’agita nerveusement.

Ralph jeta un regard inquiet en direction du gros arbre.

— Êtes-vous déjà entrés dans le passage secret sous le Saule Cogneur ? demanda-t-il. Où va-t-il ?

— L’an dernier, nous n’avons pas été très loin, admit Noah. Tout est bloqué par un éboulement. C’est pour ça que nous n’avons pas pris la peine de marquer l’endroit où il fallait appuyer. Mais là, ça nous a paru une bonne idée de venir vérifier.

— Nous ne pouvons pas marquer l’endroit, grogna Gennifer, les dents serrées, sinon tout le monde pourrait l’utiliser. Nous devons juste nous souvenir… Voilà !

Gennifer avait planté son bâton dans un creux du bois, non loin des racines. L’arbre se redressa et s’immobilisa. Noah se précipita aussitôt dans sa direction.

— Venez ! cria-t-il. Nous n’avons pas beaucoup de temps.

James jeta un regard à Rose, puis à Ralph. En même temps, tous trois se mirent à galoper eux aussi vers le tronc, suivant les trois Gremlins. Gennifer fut la première à arriver, elle plongea en avant, et disparut dans une profonde crevasse entre deux énormes racines. Damien et Noah la suivirent. James espéra qu’il y avait assez de place pour six à l’intérieur, parce qu’il était le dernier. Tandis que Ralph se trémoussait pour entrer dans l’étroit passage, James leva les yeux. Il n’avait jamais été aussi près du Saule Cogneur. L’arbre au-dessus de sa tête lui parut énorme et dangereux. D’ailleurs, sous ses yeux, certaines branches recommencèrent à bouger. Le tronc grogna de façon menaçante, comme il se ranimait. Il paraissait en colère, prêt à fracasser quelqu’un. James se jeta dans la crevasse, échappant de peu à la première branche qui cherchait à le frapper.

— Waouh ! s’exclama Gennifer, c’est un peu serré pour six. Je dirais que c’est un nouveau record. Tout le monde va bien ?

— J’irai beaucoup mieux quand James arrêtera de m’écraser, gémit Rose.

— Désolé. Je n’ai pas eu le temps de vérifier l’endroit où j’atterrissais.

Noah alluma sa baguette et la leva. L’espace était étroit, bas sous plafond. Les grosses racines du Saule Cogneur apparaissaient dans la terre meuble. Un passage rocailleux s’ouvrait devant eux, dans l’obscurité. Les Gremlins s’y engouffrèrent, suivis de près par James, Rose et Ralph. Au bout de trente pas, le groupe s’arrêta. Noah, toujours le premier, leva plus haut sa baguette, et siffla entre ses dents.

— Bingo ! s’écria Damien tout excité.

— Quoi ? demanda Rose. (Elle se mit sur la pointe des pieds et essaya de voir par-dessus l’épaule de Ralph.) Je ne vois rien. Qu’est-ce qu’il y a ?

— Poudlard a retrouvé son chemin, répondit Gennifer. Il y a dû avoir une inondation au printemps dernier. Ça a nettoyé la terre et pas mal de cailloux. Regardez, il y a un trou, et assez de place pour s’y glisser, si personne n’a peur de se salir.

— Génial ! cria Noah. Je vais vérifier ce qu’il y a derrière. Attendez-moi là.

Il passait déjà dans le trou en parlant et sa voix renvoyait des échos de plus en plus lointains. Peu après, il y eut un bruit d’éclaboussures.

— C’est bon ! Après quelques mètres, le passage est parfaitement dégagé. Il y a encore de l’eau et pas mal d’araignées très actives, mais la lumière de ma baguette suffit à les éloigner. J’imagine qu’à partir de là, ça va tout droit jusqu’à Pré-au-lard.

— Nous n’y allons pas aujourd’hui ? s’inquiéta Ralph. Je ne suis pas vraiment prêt pour une… Euh… promenade.

Émergeant du trou, Noah remontait déjà dans la petite cave, auprès des autres. Il était croupi.

— Pas de panique, Ralphinator, dit-il gaiement. Nous ferons le reste du chemin plus tard. L’important est de savoir que le passage a été rouvert.

— Et que nous sommes les premiers à le savoir ! ajouta Gennifer.

Damien pointa les trois plus jeunes d’un doigt menaçant, et les regarda un par un, sévèrement.

— Ne vous avisez pas de le raconter à d’autres, dit-il. Surtout toi, Mr Serpentard.

— Du calme, Damascus, dit Noah. Ralph est fidèle à la cause des Gremlins. Allez, on se tire.

Ils rebroussèrent chemin tous ensemble. Cette fois, James était le premier.

— Où va exactement ce passage ? demanda Rose.

— Normalement, à Pré-au-lard, répondit Gennifer. Aussi, tu pourras finalement visiter le village dès cette année, comme tu le désirais.

James savait que Ralph était toujours en colère à cause de la plaisanterie de Damien.

— C’est sûr que ça va jusqu’à Pré-au-lard ? demanda Ralph. Et où ça sort ? Pourquoi personne n’a pu emprunter ce passage dans l’autre sens, jusqu’à Poudlard ?

— Tu t’inquiètes que ton père ait manqué une faille dans le périmètre de sécurité de l’école ? demanda Damien, d’un ton moqueur. Ne te bile pas, mec. Les nouvelles consignes du vieux papa Dolohov fonctionnent parfaitement. Personne ne pourra venir par l’autre sortie, sauf nous, avec un peu de chance.

— Ralph, expliqua Noah, il a raison : le passage n’arrive pas directement au village.

Lorsqu’ils atteignirent les racines, sous le Saule Cogneur, Gennifer tendit doucement la main et retrouva l’endroit à manœuvrer. Immédiatement, l’arbre devint immobile. Le petit groupe se précipita rapidement par l’entrée secrète.

— Alors, il sort ou ? insista Ralph.

Damien ne répondit pas avant d’avoir atteint la distance de sécurité pour échapper aux branches de l’arbre.

— À mon avis, ça sort à un endroit délicieux appelé « la Cabane Hurlante ». Elle est censée être hantée, et personne n’y va jamais.

— Je vois pourquoi, approuva Ralph. Hurlante, c’est pas très inspirant comme nom !

Gennifer lui envoya une bourrade affectueuse sur l’épaule.

— Ralph, ce n’est qu’une simple légende, dit-elle. Il y a des lustres qu’on n’a pas entendu le moindre hurlement là-bas dedans. Autrefois, à ce qu’on dit, il y avait un sacré chambard, les nuits de pleine lune. Toute la maison en vibrait.

Ralph regarda James et Rose.

— Elle se fiche de moi ?

— Oui, Ralph, acquiesça James. Absolument. Mais c’est par amour. Ne t’inquiète pas.

Ralph secoua la tête en silence, et tous remontèrent vers le château, à travers les prairies humides. Juste avant de rentrer dans la cour, Ralph ne put s’empêcher de demander encore :

— Alors, « la Cabane Hurlante » n’a jamais hurlé ?

— Je n’ai pas dit ça, Ralph, dit James en secouant la tête. Je disais juste que Gennifer se moquait un peu de toi. Et à mon avis, il vaudrait mieux que tu n’en parles plus.

— C’est vrai, Ralph, ajouta Rose. Fais-nous confiance.

Ralph ouvrit la bouche, puis il réfléchit, et la referma avec un grand soupir Quand le groupe monta les marches du château, il se dirigea vers la Grande Salle d’où parvenaient de délicieuses odeurs. C’était déjà l’heure de déjeuner.

 

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La Malédiction du gardien
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